L’homme d’affaires français Xavier Niel, via sa holding personnelle NJJ, et la société de gestion genevoise Bruellan ont précisé jeudi leur stratégie pour prendre le contrôle du gérant d’actifs zurichois GAM. En difficulté depuis 2018, celui-ci avait accueilli positivement une offre du britannique Liontrust, le 4 mai. Soulignant que la proposition de NJJ et Bruellan diluerait les actionnaires existants, le conseil d’administration de GAM a répété jeudi matin qu’il encourageait fortement ces derniers à accepter l’offre de Liontrust.

Détenant 9,2% de GAM, Bruellan et la société NewGAMe (détenue par Xavier Niel) n’ont pas formulé d’offre d’achat aux actionnaires de GAM ce jeudi, mais ils ont réclamé, comme ils l’avaient fait le 7 juin, l’organisation d’une assemblée générale extraordinaire, pour obtenir la nomination d’un nouveau conseil d’administration.

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Si leur stratégie fonctionne, Antoine Spillmann en prendrait la présidence, siégeant aux côtés du directeur de NJJ, du banquier genevois Carlos Esteve, de Fabien Pictet, ancien associé de la banque Pictet, et de Charlotte Aubin, spécialiste du durable et de la technologie. Un directeur général, présenté comme très expérimenté, devrait également rejoindre l’entité, son nom n’a pas été dévoilé.

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Dirigeants actionnaires

«Il est prévu que les nouveaux membres du conseil d‘administration investissent massivement aux côtés de NewGAMe et Bruellan, avance Antoine Bruellan, notamment en souscrivant à des obligations convertibles pour un total de 25 millions de francs. GAM affirme que Liontrust lui fournit une ligne de crédit de 20 millions pour passer la période de désinvestissement de FMS.»

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FMS, c’est l’activité de service pour les fonds de placement que GAM voudrait transférer à un autre acteur. Même si cette division est peu rentable, elle pourrait être vendue pour plusieurs millions, et non bradée, selon Antoine Spillmann, qui affirme être en contact avec des acheteurs potentiels.

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La stratégie détaillée ce jeudi, à la veille de la publication du prospectus de l’offre de Liontrust, prévoit de diminuer les coûts de 35 à 40% dans les douze à dix-huit mois. GAM ferait une croix sur certains de ses 16 bureaux, et Zurich serait l’implantation principale. La société compte deux fois trop d’employés par rapport aux actifs sous gestion (passés de 99 milliards de francs fin 2021 à 75 milliards fin 2022) et aux normes de l’industrie, selon cette stratégie, qui implique aussi d’augmenter la part des rémunérations en actions pour le management.

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Avec l’équilibre financier prévu en 2024-2025, le plan de NJJ et Bruellan veut aussi développer l’offre de produits d’investissement à haute valeur ajoutée, par exemple dans l’alternatif, et relancer la gestion de fortune en direction des clients très fortunés. L’assemblée générale extraordinaire pourrait avoir lieu vers le 16 août, les actionnaires de GAM pourront échanger leurs titres dès le 26 juillet.


Antoine Spillmann: «Une poignée de personnes s’enrichit sur le nom exceptionnel d’une entreprise suisse»

Fer de lance d’un projet de reprise de GAM, le directeur de la société de gestion genevoise Bruellan explique ce qui ne va pas au sein de sa cible et de Liontrust, selon lui.

Le Temps: Pourquoi voulez-vous une assemblée générale extraordinaire et remplacer le conseil d’administration de GAM?

Antoine Spillmann: A la bourse, GAM vaut davantage que ce qu’offre Liontrust à ses actionnaires (environ 90 millions de francs contre 84 millions), ce qui signifie que les investisseurs attendent une offre alternative. Celle que nous proposons vise à conserver la marque GAM en Suisse. Liontrust propose un marché de dupes, qui est soutenu par le conseil d’administration actuel de GAM. En valorisant GAM à 0,4% de ses avoirs, cette opération permettrait à Liontrust de doubler sa masse sous gestion en offrant 14% seulement de son capital aux actionnaires de GAM.

Que reprochez-vous à la façon dont GAM est gérée?

Il est inadmissible que la direction et le conseil d’administration de GAM se soient rémunérés 13 millions de francs entre 2020 et 2022, alors que la valeur de l’entreprise a chuté de 350 millions sur cette période. Côté Liontrust, le directeur général ne détient que 1,3% de l’entreprise et a été payé 6,6 millions de livres en 2021 (7,5 millions de francs). Une poignée de personnes s’enrichit sur le nom exceptionnel d’une entreprise suisse. L’action Liontrust a été divisée par trois depuis septembre 2021, c’est l’une des pires performances pour un gérant d’actifs au niveau mondial. La combiner avec la pire action du secteur, celle de GAM, n’est pas une bonne idée.

Que vient faire l’homme d’affaires français Xavier Niel dans cette histoire?

Je ne veux pas parler pour lui, mais sa holding NJJ a réussi à redresser des entreprises après avoir pris le contrôle de leur conseil d’administration, comme Millicom [télécoms en Amérique latine, détenue à 20%, ndlr] ou l’exploitant de centres commerciaux URW. Ses activités n’incluent pas la gestion de fortune, mais il s’intéresse au nom GAM et de manière générale à la Suisse, où il possède toujours l’opérateur Salt.



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