Côté face : c’est la finalisation, ce lundi 12 mai, de l’acquisition de Credit Suisse par UBS Group pour donner naissance à une nouvelle super banque européenne de 1.600 milliards de dollars de total de bilan et d’un des plus grands acteurs mondiaux dans la gestion privée, avec près de 5.000 milliards de dollars d’actifs gérés.

« Nous allons maintenant nous unir pour entamer le prochain chapitre de notre voyage commun », se félicite ainsi dans un communiqué le nouvel homme fort d’UBS, Sergio Ermotti, rappelé à la direction générale de la banque pour piloter le chantier de restructuration. Accessoirement, cela marque aussi la disparition d’un établissement prestigieux après 167 ans d’existence.

C’est le côté pile, celui de l’immense chantier et choc des cultures qui s’annoncent : « Nous ne ferons jamais de compromis sur la forte culture d’UBS, son approche conservatrice du risque ou la qualité de ses services », ont ainsi prévenu dans une lettre ouverte publiée dans la presse suisse, le président d’UBS Colm Kelleher et Sergio Ermotti.

La feuille de route stratégique est claire : recentrer Crédit Suisse sur la gestion de fortune et les financements des entreprises. Mais pour cela, Credit Suisse devrait abandonner sa culture du risque et sa plus grande disposition à accueillir des clients « risqués ». Ces dernières années, Crédit Suisse s’est enfoncé dans une succession de scandales et de crises, conséquence d’une culture trop laxiste à l’égard du risque.

Contreparties

Selon le Financial Times, les dirigeants d’UBS se sont d’ailleurs empressé de fixer des « lignes rouges » aux cadres de Credit Suisse, qui couvrent 11 risques financiers et 12 risques non-financiers. Il s’agit par exemple de ne plus recruter de nouveaux clients dans « des pays à risque », comme la Russie, le Soudan ou bien le Venezuela, ou de vendre des produits financiers complexes. Le financement de jet privé pour des oligarques ou des milliardaires à la fortune douteuse domiciliés dans des paradis fiscaux, c’est terminé aussi.

Ce n’est pas vraiment une surprise : les dirigeants d’UBS avaient multiplié les mises en garde sur les nouvelles exigences très strictes de conformité et l’attention qui sera portée sur la moralité des cadres. Mais, désormais, alors que la fusion juridique est achevée, ces souhaits deviennent des instructions. En parallèle, Credit Suisse fait face à une vague de démissions.

UBS parachève sa fusion avec Credit Suisse en moins de trois mois

Ce discours très ferme est sans doute aussi la contrepartie au soutien de l’Etat dans un pays où l’interventionnisme n’est pas vraiment un sentiment partagé au sein de l’opinion publique. La semaine dernière, UBS a finalisé son accord avec le gouvernement, qui prévoit une garantie publique jusqu’à 9 milliards de francs suisses (10 milliards de dollars) sur d’éventuelles pertes sur actifs ou litiges. Cet accord formel était d’ailleurs le dernier obstacle avant de finaliser la fusion. Ce montant de la garantie avait été déjà arrêté en mars dernier lors de la présentation du plan de sauvetage de Credit Suisse via son rachat par UBS.

Cette aide publique n’interviendrait qu’une fois une première tranche de pertes de 5 milliards de francs suisses soit assurée par UBS. Cette garantie couvre un portefeuille de 44 milliards de francs suisses d’actifs que UBS prévoit de céder, notamment des portefeuilles de produits dérivés, des créances ou des produits structurés. Bref, tout ce qui présente un profil de risque élevé. Une page se tourne vraiment pour Credit Suisse.